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le tilleul blanc
24 avril 2012

Maintenant

Comme si ça n'était pas encore assez ! 
Pas d'argent, pas de quoi payer un loyer, encore moins un dernier cadeau à ceux à qui il faut dire au revoir et pourtant au milieu du drame j'ai été touchée par la générosité d'un père qui transmet encore la vie en acceptant le don d'organes. La Générosité d'un village qui se mobilise pour offrir une sépulture décente. La générosité des plus simples.

J'ai toujours su qu'il ne fallait pas attendre pour aimer et le dire, pour profiter de ceux que l'on aime sans attendre ce soir, demain, ce week end, les vacances, la retraite. Plus tard. J'ai profondément conscience depuis le tsunami que tout peut basculer très vite. 
Là encore, j'ai beau le savoir, je n'ai rien préparé. 
Donc, dès à présent, je m'y attelle ! Sans superstition ni peur, juste pouvoir me dire au moins ça, c'est fait.

À commencer par ne pas vouloir des traditionnels faire part de décès gris et blancs. J'ai toujours soigné mes invitations avec de la couleur, celles là ne dérogeront pas à la règle.  Envie que celles qui viendront prennent 1/4 d'heure de leur temps pour poser du vernis sur leurs doigts et enfiler des talons parce que ça me plaît. Que ceux qui viendront prennent 1/4 d'heure de leur temps pour déposer quelques gouttes de leur parfum préfèré, enfile une belle chemise, une tenue pour sortir( ça m'est bien égale qu'elle soit foncée ou colorée ) et embrasse la femme qui les accompagnera à mes funérailles. On dira sûrement que je n'étais finalement pas si bourgeoise, que je m'asseyais  volontiers sur les conventions. Que le plus important pour moi aura toujours été ma famille, que c'était sacrée. Qu'elle aura été ma seule religion après avoir longtemps été catholique. Que j'étais plus solide que ce que mon corps tout mince laissait supposer. Que mes amis étaient plus qu'importants, qu'ils n'avaient pas besoin d'être nombreux mais qu'il y en avait toujours, que quand je les choisissais je ne les lâchais pas même si mes courriers et mes coups de telephone n'étaient pas réguliers. Que ma porte était toujours ouverte mais que j'aimais être seule. Que j'étais capable de voir le beau et de jurer comme un chartier. Que j'ai toujours dit des gros mots. Peut être que certains auront été agacés par moi et diront que je semblais si sûre de moi, que j'étais une chanceuse, que je rigolais et que parfois c'était un peu lourd. Que j'avais un gros complexe de supériorité en ce qui concernait mon mari et mes enfants, ( et dites vous que...  si je peux entendre, je jubilerai parce que ma prétention irait jusqu'à  le prendre pour compliment). que j'étais rarement habillée vraiment comme tout le monde, que j'avais mon style. Si je meurs très vieille, on ne se souviendra peut être plus que je dansais quand j'entendais de la musique, que j'aimais parler et écrire.
Que j'aurais même eu l'idée saugrenue de rédiger une partie de mon éloge funèbre et que je m'en serais tirée à coup d'un "on n'est jamais si bien servie que par soi même".  J'aimerais qu'on chante quelque chose de beau qui ne rende pas triste. De toute façon,  les larmes nous rattrapent toujours le soir dans la solitude de la chambre, quand on se croit caché par la nuit.
Je ne veux pas que chacun rentre chez soi sans partager ses pensées et faire un peu de mauvais esprit. Du poulet rôti, de la salade avec notre assaisonnement ( celui qui a un peu de viandox si ça existe encore) et des pommes duchesse sans oublier un petit verre de vin parce que chez nous il y a toujours eu une bonne bouteille pour accompagner nos états d'âme. Du pain, un seul fromage mais bien fait. Et une tarte achetée en boulangerie parce que personne n'aura l'envie ou le temps de cuisiner.
J'aimerais poser sur ma tombe des bougies et des fleurs fraîches, tant pis si elles fanent. Je n'ai jamais eu la main verte... Il est maintenant trop tard pour bien faire. J'aimerais si jamais c'était possible, un arbre.
Je déteste les plaques commémoratives.  J'aimerais si cela est possible que nous soyons côte à côte.
J'aimerais qu'on se dise au revoir mais sans s'éterniser, pas besoin d'en rajouter, j'aimerais qu'on dise " elle aurait souhaité nous voir sourire" parce que c'est vrai. Et s'il faut pour cela m'imiter ou se ficher de moi. Allez y, je pense être capable d'en rire.  Il faudra que je trouve un moyen de dire à ceux qui seront là que j'ai été heureuse, que la vie vaut la peine malgré tout , qu'il faut avoir senti ne serait ce qu'une fois dans sa vie l'odeur d'un bébé qui vient de naître, la puissance d'un câlin qui demande pardon, le douloureux bienfait d'un baiser amoureux au moment de partir.

Les détails, les lieux, le cimetière etc. J'en parle ce week end avec monsieur Tb. Redire de donner tout ce que mon corps aura d'utilisable. Que j'aime la terre et que c'est là que je veux laisser le temps finir son travail. Et comme ça, ça se sera fait. Parce que je sais que tout peut aller vite et que je suis de celles qui prennent le taureau par les cornes.

  Sans titre-2 Sans titre-4
Photos retrouvées sur mon i*ph*one prises par Céleste, ça colle, non ?
Elle a su capter que j'étais dans mes pensées !

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Commentaires
A
Il est magnifique ce billet :)
B
on en parle régulièrement, avant chaque depart en opex, avant chaque départ pour le bloc...<br /> <br /> ton billet est émouvant, très émouvant!<br /> <br /> des pensées pour ceux qui souffrent....
M
En parler maintenant permet d'adoucir la douleur le jour venu...de temps en temps je lâche des souhaits, le don d'organes par exemple...et ça il ne faut pas qu'y penser. <br /> <br /> Bon je viendrais bien au tien, mais j'aimerais bien te voir avant quand même !
M
j'aime beaucoup ton billet. Qu'ils prennent tout ce qui peut être utilisable. Pour le reste, je m'en fiche qu'ils fassent au mieux pour eux, pour alleger leur peine.
P
Quel beau testament! Il faudrait toujours prendre le temps d'en parler et ne pas attendre les moments difficiles pour y songer. En tout cas, j'irai bien a ton enterrement ( bien que logiquement c'est moi qui devrait partir avant) et pour l'occas me faire lea ongles, moi qui ne porte presque jamais de vernis!<br /> <br /> Et comme toi, je veux qu'on se souvienne des beaux moments, de mes delires, de mes passions, de mes bonheurs, pas qu'on me pleure...
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